Alors, je vous raconte...
Je vous préviens, c'est un peu long, mais il n'est pas facile de résumer quatre années et demi en quelques lignes...
Lorsque je quitte Ecully, ma ville natale, pour venir habiter en Haute-Loire, je quitte également le travail que j'occupe là-bas depuis trois ans.
Après avoir vainement cherché du travail dans cette nouvelle région, je me dis :
Pourquoi ne tiendrais-je pas un commerce ?
Mon rêve serait de tenir une librairie. Etre entourée de livres, mon désir le plus cher !
Mais après prospection, je dois bien admettre qu'il n'y a pas de librairie qui m'attend.
Et puis un jour, dans la petite commune où je vis encore actuellement, un fonds de commerce est mis en vente : un bureau de tabac, bimbeloterie.
Ce n'est pas le genre de magasin auquel j'aurais pensé, mais je vais tout de même me renseigner.
Le fonds de commerce n'est pas trop cher, le magasin assez sympa, la marchandise très variée.
En plus des cigarettes et des cigares, je peux vendre un peu tout ce que je veux, cela me va bien.
Alors faute de trouver une librairie, je me dis pourquoi pas ?
Alors je dépose ma demande auprès de la DRDDI (Direction régionale des douanes et droits indirects).
Mais encore faut-il qu'elle soit acceptée !
Car avant de pouvoir être débitant de tabac, la DRDDI fait une enquête approfondie, le demandeur doit remplir un certain nombre de conditions ->
Conditions pour devenir débitant de tabac
Ma demande est acceptée, je deviens gérante d'un bureau de tabac !
Tout un programme !
Nous rafraîchissons le magasin en repeignant les murs intérieurs, la façade extérieure (dommage, j'avais une photo mais je ne la retrouve pas). Nous rajoutons des étagères. Bref, nous mettons les lieux à mon goût !
Et j'apprends donc le métier de débitant de tabac.
Il faut que je programme les commandes de cigarettes pour le mois.
Ce n'est pas évident au début de savoir la quantité que je vais vendre.
Ensuite, j'apprendrai que tel ou tel mois, il en faut moins, ou au contraire davantage.
La commande envoyée, un camion me livre les cartouches demandées quelques jours après.
Si je n'en ai pas assez commandées, je me rends à la SEITA (Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes) de Saint-Etienne me réapprovisionner.
Ou alors je me dépanne chez un autre buraliste.
En plus du tabac, je vends donc de la bimbeloterie, de la papeterie, des bijoux, du parfum, des jouets, des bonbons, des montres, des réveils, etc.
Une vente m'est imposée par l'administration, celle des vignettes (automobiles), et des timbres fiscaux (et postaux).
Les clients peuvent venir jouer leur loto également, ou acheter des jeux d'argent.
J'ai donc une clientèle très variée :
- le petit gamin qui vient acheter des bonbons avec la pièce que lui a donné sa maman,
- la personne qui vient acheter du parfum ou bien un bijou, du papier à lettres aussi, des crayons, des stylos-plume
- la maman qui vient acheter un jouet à son enfant, un ballon, ou un jeu éducatif
- la mamie qui vient acheter juste un timbre mais qui a tant de choses à raconter
- les personnes qui viennent acheter leurs cigarettes, des gauloises, des gitanes maïs, du tabac gris ou bleu, des Marlboro, des Camel, des Lucky Strike, ...
- etc.
La vie de commerçante m'est agréable, ces relations sont très sympathiques., de jolis échanges.
J'ai une bonne relation avec les clients, le courant passe bien.
Petite parenthèse : c'est pendant ces quatre ans et demi de commerce que mes deux fils sont nés.
Le premier, sept mois après (il est vrai qu'il est arrivé deux mois en avance...).
Mais bien sûr, comme pour toute chose, il y a des inconvénients...
Lorsqu'un client entre dans le magasin, et que je suis en train de donner le biberon à mon bébé ou bien que je le change (dans la pièce à côté attenante au magasin), je dois le poser rapidement dans son lit pour aller servir. Certains clients, peu attendris par les pleurs du chérubin, n'en finissent pas de me tenir des discours et des discours, je n'ose rien dire mais j'en suis malade...
Pour mon deuxième fils, je n'ai pas ce problème, je demande de l'aide à ma mère qui vient me donner un coup de main, je ne veux pas que cela se reproduise.
Autre problème, les vacances...
Là où je vis, la population quadruple en août. Je ne peux donc pas fermer ce mois-ci, car c'est à cette période que je travaille le plus.
Mais mon mari ne peut pas prendre ses congés un autre mois car la société où il travaille, ferme en août.
Pendant quatre ans et demi, nous ne prendrons donc pas de vacances et pour pouvoir souffler tout de même un peu et profiter de nos petits, nous nous remplaçons au magasin, un jour l'un, un jour l'autre, et notre jour de libre, nous allons le passer à la Breure où nos petits se trouvent chez leur mamie.
Ce n'est donc pas idéal, ni pour nous, ni pour les enfants.
Evidemment, lorsque j'ai décidé de prendre ce commerce, je n'avais pas pensé à tout cela...
Finalement, après avoir passé quatre ans à ce rythme, je prends la décision d'arrêter.
Je cherche un acquéreur pour me racheter le fonds de commerce.
Cela ne se fait pas du jour au lendemain.
L'un se dit très intéressé et puis au dernier moment se désiste.
Je commence à désespérer un peu.
Et puis enfin, un couple est preneur, c'est la dame qui tiendra le magasin.
Je suis tout de même un peu déçue de laisser ce commerce, mais je suis soulagée aussi je dois le dire.
Le commerce, ce n'est pas évident, et c'est très prenant.
Je n'étais peut-être pas faite pour cela, finalement...
Ou alors j'ai voulu mener trop de choses à la fois : le commerce et les naissances de mes enfants, cela faisait trop de choses à gérer, trop de fatigue aussi.
Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que je n'ai jamais regretté ces quatre années, ce fut une expérience, et toute expérience est bonne pour la suite de son cheminement...