mercredi 28 août 2019

Souvenir d'un temps déjà lointain...

L'année de la mort de mon père, j'étais en cinquième dans un pensionnat de jeunes filles tenu par des religieuses, il y avait aussi et heureusement des professeurs laïcs.
Je n'étais pas pensionnaire, j'étais externe, je rentrais chez moi pour le repas de midi.
Cela ne me laissait pas beaucoup de temps pour manger, car j'arrivais à 12h35 pour repartir à 13h15.
Je rentrais chez moi pour le repas car j'étais très difficile, je ne mangeais pas de tout, je ne mangeais en fait que très peu.
Ma mère me faisait des repas que j'aimais pour être bien sûre que je ne repartirais pas l'estomac vide.
De plus, j'étais très timide, un peu sauvage, et j'avais du mal à m'intégrer dans un groupe si je ne connaissais personne.
Mes copines de classe, qui habitaient plus près du pensionnat, rentraient manger chez elles.
Pour moi, il était donc préférable que je rentre chez moi, je pouvais ainsi me détendre et manger tranquillement, sans stress.

J'en reviens au début du billet.
J'étais donc en cinquième lorsque mon père est mort soudainement d'une angine de poitrine.
Suite à sa mort, ma mère a porté le deuil pendant un an.
Il était de coutume également à l'époque que les enfants portent un signe du deuil.
Aussi, ma mère avait cousu sur la manche de ma veste un bouton noir.
Je n'aimais pas arborer ainsi ce bouton noir.
Je n'aimais pas que l'on me parle de la mort de mon père.
Les professeurs, pensant bien faire lors de mon retour en classe, me disaient des petits mots, genre : ma pauvre petite, comme c'est triste, etc.
Je détestais ces moments.
Je crois que j'avais envie qu'on me laisse tranquille avec mon chagrin.
D'ailleurs, durant plusieurs années, lorsque je me faisais de nouvelles relations, je ne disais pas que mon père était mort.
Je voulais sans doute être comme les autres, ne pas être à part, je ne voulais pas me démarquer des autres, je voulais être comme tout le monde.
Et puis peut-être était-ce trop douloureux de le dire, alors je préférais me taire.

Un souvenir d'un temps déjà lointain qui m'est revenu en mémoire, je ne sais pourquoi, peut-être à cause de cette photo...

Moi avec mes parents. Je devais avoir 9 ou 10 ans.


24 commentaires:

  1. Je comprends que ce petit bouton noir qui faisait automatiquement place à la compassion et/ou les questions était peu apprécié, à un âge où on a du mal à localiser ses vraies émotions et à les vivre. On a besoin de place et d'isolement. Mais c'était ainsi... Moi mes parents étant divorcés, quand ça a eu lieu il n'y a pas eu de compassion car l"école catholique dans laquelle j'étais considérait à peu près que nous étions une famille passée du côté de Satan en personne, donc je fus royalement ignorée, des "chères soeurs" comme des "bonnes petites élèves" :) Je t'avoue que c'était une sorte de punition que je ne comprenais pas, mais je ne peux pas dire que j'en souffrais, car au fond... on m'a fichu la paix! Ce dont j'avais besoin. Des années plus tard, en vacances en Yougoslavie et dans un groupe d'Italiens, chaque fois qu'ils me présentaient ils disait que mes parents étaient divorcés et une pluie de "aaaaaaah, poverina!" s'abattait sur moi, alors qu'à l'époque, moi, je n'y pensais même plus et ne voyais pas en quoi il fallait s'apitoyer...
    Ca devait être horriblement difficile de perdre son papa aussi jeune.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cela n'a pas dû être facile pour toi non plus, Edmée. Se sentir exclue parce que ses parents ont divorcé, tu n'y étais vraiment pour rien, mais à l'époque le divorce était un sacrilège, surtout au sein de l'église catholique.
      Oui, cela fut difficile, mais je crois que c'est encore un peu plus tard qu'il m'a réellement manqué. J'aurais aimé partager plein de choses avec lui, j'aurais aimé qu'il connaisse mes fils aussi. Même sans l'avoir connu très longtemps, je me suis rendu compte qu'il m'avait légué sa passion pour les belles choses: la belle musique, la peinture, l'Art en général, le goût de la lecture, de la Nature. Et de tout cela, j'en suis heureuse. Il est resté en moi quelque chose de lui...
      Belle journée à toi, Edmée. Bises ensoleillées.

      Supprimer
  2. Tu racontes toujours tes souvenirs de jolie façon, Françoise.
    Comme si on y était...
    J’ai toujours trouvé l’expression « porter le deuil » étrange. Comme si on avait besoin de montrer à la société combien on est triste.
    Comme si la tristesse passant par une couleur obligatoire...
    🌸

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Célestine, c'est gentil.
      Oui, porter le deuil, comme si le fait d'être triste ne suffisait pas.
      Belle soirée à toi, ma belle. Bisous.

      Supprimer
  3. Des coutumes qui ont bien changé. C'est dur pour un enfant de perdre son papa, sa maman alors pourquoi le pointer du doigt et l'offrir à la compassion forcée de l'entourage. Tu écris tout ce vécu de façon touchante et émouvante.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La maman pensait sans doute bien faire, Chinou.
      Merci pour ta lecture. Belle fin de journée.

      Supprimer
  4. C'est curieux parfois comme les souvenirs remontent à la surface. Tu dis que c'est à cause de cette photo. Mais cette photo, comment est-elle arrivée sous tes yeux récemment ? Est-ce par pur hasard ? Elle semble étonnante, cette photographie. La fillette au premier plan, ouvre des yeux étonnés et rêveurs. Les adultes derrière elle paraissent préoccupés, ou du moins graves. Le pouvoir d'évocation des photographies est incroyable.
    Quand une enfant ultrasensible, timide et rêveuse perd brutalement son père, il y a de quoi être ébranlée. Son monde vacille. Surtout si les adultes rencontrés – des enseignants par exemple – ne savent que tenir des propos convenus, dépourvus de finesse, de tact et d'empathie. Quand personne ne semble trouver les mots pour rassurer et entourer, on peut imaginer la vulnérabilité de l'enfant.
    Le petit bouton noir devait être tellement stigmatisant ! C'est atroce, ces codes imposés. Tu devais souffrir au-dedans, et aussi ressentir de la douleur à l'intérieur de ta famille, et en plus, le bouton venait te pointer du doigt en classe comme "différente".
    En ce qui concerne le deuil – ce passage du choc de la perte à l'acceptation peu à peu élaborée – c'est, je crois, une expérience tellement personnelle que chacun devrait pouvoir se choisir ses rythmes et ses codes. Je me souviens d'une enseignante de lycée qui s'habillait toujours en tailleurs noirs. Après le décès de son mari, elle ne s'est plus présentée qu'avec des vêtements blancs.
    Si je perdais quelqu'un d'essentiel, mon monde perdrait toutes ses couleurs et je crois qu'instinctivement je me tournerais vers des vêtements sombres. Le noir peut être une manière de refléter à l'extérieur ce que l'on ressent à l'intérieur. En faire une obligation (comme dans certaines cultures) est dénué de sens.
    Merci, Françoise, pour ta confiance à partager ce souvenir et cette expérience. Tout ce que tu nous racontes de ton passé parle de ta forte aptitude à la résilience. Belle soirée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cette photo, chère Dad, se trouve en fait sur un montage-photos qu'avait fait ma soeur lors de l'un de mes anniversaires. Ce montage est sur l'un des murs de mon bureau, et cette photo, je la regarde souvent. Pourquoi ? Parce que sur celle-ci, mon père a un geste affectueux avec moi, cette main posée sur mon épaule, et qu'à part ce geste, je ne me rappelle que très peu de ses gestes d'affection, alors forcément je suis émue en la regardant.
      Tu parles de vêtements sombres, il est vrai que pendant longtemps, et sûrement inconsciemment, je ne portais que des vêtements sombres, ou alors sans vraie couleur, du beige, marron, gris, des couleurs non vivantes.
      C'est moi qui te remercie, ma chère, pour l'attention et l'affection que tu portes à mes billets. Belle fin de journée, je t'embrasse.

      Supprimer
  5. De sa main
    posée sur ton épaule
    il t'accompagne toujours
    :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est très beau ce que tu dis, Pascal, et cela me touche.
      Merci beaucoup.

      Supprimer
  6. Cette coutume de « porter le deuil » je l'ai connue dans mon enfance suite au décès d'un grand-père. Comme cet homme était froid et distant, qu'il me faisait un peu peur, je n'ai pas eu beaucoup de chagrin.
    Alors ce crêpe de deuil que l'on portait au revers du veston, je l'arborais en classe avec une certaine fierté… pour une fois que je me faisais quelque peu remarquer par les profs pour autre chose que mes mauvaises notes… c'est toujours curieux de voir comment des événements quelque peu comparables peuvent être vécus bien différemment.

    Mais la perte d'un papa si jeune, c'est tout autre chose, la blessure est intérieure elle n'a pas besoin de s'afficher ostensiblement sur le vêtement.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, Alain, c'est vrai. Mais c'est parce que nous avons tous des vécus différents que nos souvenirs sont différents. Et puis au sein d'une même fratrie, des événements pourtant identiques ne laisseront pas les mêmes souvenirs à chacun des enfants.
      Merci pour ton commentaire. Belle fin de journée.

      Supprimer
  7. Bizarre comme certains souvenirs s'imposent sans que l'on sache toujours pourquoi...Bien sûrla vue de cette photo ! Cela doit être très dur de perdre son père aussi jeune

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois qu'à l'époque, Gazou, je n'ai pas vraiment réalisé sur le coup le changement que la mort de mon père allait occasionner, d'autant plus que nous avons déménagé huit jours après...

      Supprimer
  8. Quelque soit l'âge, voir son père partir, vivre sa perte, c'est perdre son phare.
    La lumière s'éteint et s'obstine à ne pas vouloir se rallumer.
    C'est notre amour qui, au fil du temps, écarte l'obscurité pour que l'éclat du soleil nous éclaire le chemin, nous aide à avancer.
    Il est difficile de "faire" son deuil, alors je comprends que tu aies voulu le cacher pour le faire en paix.
    A bientôt.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Lorsqu'un père disparaît alors que la jeune fille est tout juste adolescente, elle le recherchera obstinément toute sa vie dans chaque homme, mais aucun ne pourra le remplacer.
      Merci à toi, Letienne. A bientôt, oui.

      Supprimer
  9. Bonjour Françoise, un papa est un homme important dans la vie d'une jeune fille peut être plus qu'une maman.Peut-être que ce souvenir qui remonte maintenant fait qu'il pense à toi non? Ressortir un photo de lui à ce moment là n'est peut-être pas si anodin que cela?
    Contente de t'avoir retrouvée. Bonne journée.
    Marie

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Peut-être qu'il pense à moi, je ne sais pas Marie, mais moi je pensais à lui à ce moment précis, comme il m'arrive de le faire si souvent d'ailleurs.
      Je suis contente de ton retour, moi aussi, Marie. :-)

      Supprimer
  10. Pendant toute ma scolarité, à chaque rentrée il fallait faire un petit papier en écrivant ce que faisaient nos parents. J'avais honte d'écrire que mon père n'était plus de ce monde. Sans doute que je ne voulais pas qu'on me prenne en pitié.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, toi aussi Pascal, tu as perdu ton père alors que tu étais très jeune, tu comprends donc combien il est difficile de dire que son père est mort...
      Bonne fin de journée à toi, ravie de te voir par ici. :-)

      Supprimer
  11. Je pensais avoir laissé un message ...peut être a t'il disparu ??? Mon père s'est suicidé l'année de mes 15 ans... très longtemps je n'ai pu en parler je ne parlais juste pas de lui ... Et la condescendance des autres me faisait horreur....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'ai pas vu passer ton message, Manou.
      Le suicide d'un père doit être encore plus éprouvant, et je comprends que tu n'aies pas eu envie d'en parler. La condescendance, la pitié des autres, ne nous aident pas, au contraire.
      Bonne soirée, Manou. Bisous.

      Supprimer
  12. je pense te comprendre, sur le deuil ce ruban noir fixé avec deux minis épingles à nourrice au revers de ma veste dans ma dixième année. Ma dernière vision à Lariboisière où maman m'avait emmené pour le voir une dernière fois dans son coma. J'ai toujours en mémoire ce trajet de la gare du Nord à cet hôpital.
    Je suis sûr que tu n'as pas oublié les moults détails de cette journée où tu as su. Le temps émousse nos chagrins sans fatalité mais réalité.
    Bzzz...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le bourdon, je pourrais raconter cette journée dans les moindres détails. Tout est intact dans ma mémoire, absolument tout. Comment pourrais-je oublier la vision de ce père mort et l'agitation et la panique qui ont suivi ?
      Tu as perdu ton père alors que tu étais très jeune toi aussi, tu peux donc me comprendre, oui.
      Mais comme tu le dis, le temps émousse nos chagrins sans fatalité mais réalité.
      Bonne soirée, le bourdon, merci pour ton commentaire. Bises.

      Supprimer

Merci pour vos petits mots que j'apprécie infiniment.

PS : Si vous avez des difficultés à poster un commentaire ou si celui-ci n'apparaît pas, vous pouvez me l'adresser par mail (voir mon profil) et je le publierai en votre nom. Merci.