Un texte écrit sur une consigne de Kaléïdoplumes.
Proust avait sa madeleine, certains ont une musique, une image, un plat ou une odeur.
C'est quoi pour toi ?
Lorsque j'étais gamine, nous habitions, mes parents, ma sœur et mon frère, dans une maison dont les principales pièces se trouvaient au rez-de-chaussée. Par la fenêtre de la cuisine, légèrement en contrebas de la route, nous pouvions observer les gens qui passaient. Il y avait une résidence près de chez nous, et il y avait pas mal de monde qui circulait, notamment des ouvriers qui rentraient chez eux en fin de journée.
Un laitier effectuait régulièrement des tournées et il s'arrêtait deux fois par semaine devant chez nous. Il klaxonnait pour avertir le quartier qu'il était en place. Notre mère prenait alors son panier, son porte-monnaie et sortait, elle allait lui acheter du lait et aussi du fromage blanc en faisselle. Mais pas n'importe quel fromage blanc ! Celui-ci était divinement bon !
L'heure du goûter approchant, notre mère démoulait les fromages blancs dans de jolies assiettes à dessert. Elle remplissait ensuite un petit pot avec la crème fraîche achetée également chez le laitier, elle la versait sur les fromages et enfin elle les saupoudrait de sucre. Mon frère et moi la regardions préparer, piaffant d'impatience.
Nous nous installions alors à table, et nous les dégustions comme une gourmandise, faisant durer ce plaisir gustatif. Ni l'un ni l'autre ne voulions terminer le premier, aussi nous nous surveillions et nous nous attendions pour savourer la dernière cuillerée ensemble.
Pendant longtemps, lorsque mon frère était encore là, nous nous remémorions ce fromage blanc.
Nous disions que depuis ce temps, jamais nous n'en avions mangé d'aussi bon ! Bien sûr, car ce fromage blanc, c'était l'époque heureuse de notre enfance, c'était la fête, la bonne humeur, c'était les rires et la joie de vivre. Comment oublier un tel moment de félicité !