« Il ne sait pas combien de temps ça peut marcher, mais il ne risque rien d'essayer. »
Le cœurdonnier*
Cet homme était un magicien, un guérisseur, il soignait les cœurs.
Il était d'une grande notoriété maintenant, il suffisait de voir le monde qui attendait devant chez lui.
En fait, au départ, il était cordonnier. Il en avait vu passer des souliers, de toutes les formes, de toutes les couleurs, de toutes les pointures, des souliers qui avaient voyagé, dur parfois, les semelles étaient trouées, usées, bonnes à jeter mais il arrivait toujours à les réparer.
Et comme il était toujours affable et avenant -c'était son caractère-, il servait de confident aux propriétaires des souliers. C'est comme cela qu'il s'était rendu compte qu'il y avait beaucoup de cœurs blessés, meurtris, brisés, et qu'il était peut-être plus important de soigner les cœurs plutôt que les chaussures...
Il décida alors de transformer sa cordonnerie en un lieu chaleureux et accueillant où il pourrait recevoir les cœurs malades.
Quand il ouvrit sa boutique, il ne savait pas combien de temps ça pouvait marcher, mais il ne risquait rien d'essayer.
Dès le premier jour, il y eut une foule impressionnante de personnes qui vinrent faire la queue sur le trottoir, attendant impatiemment leur tour.
Des personnes âgées tout d'abord, qui étaient bien seules, dont les enfants se fichaient pas mal, et qui souffraient de solitude et d'abandon. Ces personnes attendaient la fin de leur vie comme on attend la fin d'un supplice.
Il y avait des femmes qui subissaient les violences de leurs maris, et qui gardaient tout pour elles, souffrant en silence. Il y avait celles qui subissaient l'outrage du temps et qui ne le supportaient pas. Il y avait celles qui avaient rêvé de faire de grandes études et qui finalement élevaient toute une tribu de gosses.
Il y avait des hommes qui ne savaient plus où ils en étaient, malmenés par la vie, harcelés par leur employeur, pressés comme des citrons, des hommes qui se sentaient bons à rien, juste à rapporter la paie en fin de mois. Et du coup, ils se mettaient à boire, ils criaient après leurs femmes, après leurs gosses et ils le regrettaient ensuite, mais le mal était fait. Leurs femmes et enfants les détestaient. Et eux, avaient honte et se haïssaient d'être ainsi.
Il y avait aussi des enfants. Ceux-là venaient le voir car ils ne comprenaient pas ce qu'on attendait d'eux, s'il fallait croire aux histoires des adultes, ces adultes bien infantiles parfois et tellement contradictoires. Pouvaient-ils leur faire confiance ? Pourquoi se disputaient-ils, pourquoi parlaient-ils de divorce, pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Personne ne leur disait rien, et ils étaient livrés à eux-mêmes.
Tous ces gens venaient se décharger de leurs peines de cœur, de leurs souffrances, venaient déposer leurs malheurs dans le creux de l'oreille du cœurdonnier. Ils venaient se confier, pleurer, ils savaient que cet homme les écouterait, et saurait leur dire les mots dont ils avaient besoin, qu'il saurait panser leurs blessures, soigner leurs doutes et qu'il les aiderait à trouver la solution à leurs problèmes.
Cet homme savait même donner vie à des cœurs sans vie, des cœurs qui semblaient ne plus battre pour rien, ni pour personne. Et lorsque les gens sortaient de chez lui, ils avaient retrouvé leur envie de vivre, et leurs cœurs, leur envie de battre. Ils avaient retrouvé l'espoir, ils entrevoyaient un avenir meilleur.
L'écoute et la bienveillance du cœurdonnier faisait des miracles, tout simplement parce qu'il les aimait tous ces cœurs en détresse, et l'amour, on le sait bien, est un remède à tous les maux.
*Titre emprunté à une chanson de SOPRANO.
Bonjour Françoise.
RépondreSupprimerTendre récit, ta sensibilité y transparaît.
Je ne pense pas que l'amour soit un remède à tous les maux mais il est indispensable pour les maux sans remède.
Cette image, ce défi, me tentent ! (dans un registre différent)
Bonne soirée (froide pour la saison, chez moi)
Bonsoir Rom
Supprimer« mais il est indispensable pour les maux sans remède », oui, c'est très juste aussi.
J'ai vu que tu avais déjà écrit sur ce défi. Quelle rapidité ! :-)
Bonne soirée à toi aussi (froide chez moi également)
Coucou. En voilà un homme bien qui donne foi en l'humanité. En te lisant, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que toi, tu étais coeurdonnière: avec ton empathie et ta bienveillance. Oui, ma chère, c'est un peu toi que tu décris. Bises alpines.
RépondreSupprimerCoucou Dédé. Merci de tes mots si gentils, ils me touchent ♥
SupprimerJe ne sais pas si je suis une cœurdonnière, mais j'essaie d'être là lorsqu'une personne est dans la peine ou qu'elle a besoin de moi.
Bonne soirée à toi aussi. Bises de ma plaine bassoise.
Soyons des cœurdonniers à chaque fois que cela est nécessaire.
RépondreSupprimerUn joli conte pour faire comprendre l'essentiel ♥♥
Merci de l'avoir lu et de l'aimer, Fifi. :-)
SupprimerBeau week-end à toi.
Je connais cette image, je l'avais empruntée pour illustrer un texte d'Anne Sylvestre.
RépondreSupprimerLe tien, de texte, est très beau. Il a raison, il ne sait pas combien de temps ça peut marcher, mais il ne risque rien d'essayer...(sourire)
Oui, et d'ailleurs je l'ai prise chez toi cette image ! :-)
SupprimerEn effet, cela ne risque rien d'essayer, parce que qui ne tente rien, n'a rien ! :-)