samedi 4 avril 2020

Sur un banc

Un texte écrit pour l'atelier d'écritures Kaléïdoplumes.
La consigne était :

      Chaque jour une personne différente s’assoie sur ce banc pour passer un moment. 
      Vous êtes ce banc. Racontez ces 7 rencontres. 
      Contraintes: 
      - chaque rencontre ne doit pas dépasser les 100 mots 
      - rajoutez si vous le pouvez une photo d'un banc.

J'ai dérogé un peu à la consigne.
Dans mon texte, ce seront les mêmes personnes qui se retrouveront sur ce banc.

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Ce banc n'est pas celui dont je parle, mais il aurait pu l'être...


1
Aujourd'hui, de nouvelles personnes sont venues s'asseoir sur mon bois.
Une mère et sa fille, nouvellement arrivées dans le quartier.
Ou alors la maman doit résider dans la maison de retraite en face et sa fille est venue passer un moment avec elle.
Je les ai observées, elles ont d'abord fait un tour de parc, le parc est joliment arboré.
Et puis elles ont hésité, et elles se sont dirigées vers moi.
- Il est accueillant ce banc, hein, maman ? On s'assoit un moment ?
Et d'après ce que j'ai compris, elles reviendront souvent, j'ai l'air de leur plaire...

 2
Oui, elles sont revenues aujourd'hui, je suis content qu'elles m'aient choisi.
Après leur petit tour dans les allées du parc, elles sont venues directement vers moi.
Elles ont dit que j'étais confortable, bien orienté et si joli aussi !
C'est bon qu'un banc ne rougit pas, sinon...
Elles ont gardé le silence un bon moment, mais j'ai bien senti que c'était un silence en communion, pas un silence pesant.
Elles n'ont pas besoin de parler pour s'entendre ces deux-là.
J'ai senti beaucoup d'amour et de tendresse entre elles.
J'ai ressenti leur bonheur d'être ensemble, de partager ce moment, tout simplement.

3
Aujourd'hui, il faisait très beau, elles sont revenues s'asseoir sur mon bois.
La fille avait apporté un thermos de café et une boîte de petits fours, sa maman était ravie.
J'ai appris que ces petits fours avaient une histoire.
- Tu te rappelles, maman, lorsque tu venais passer quelques jours à la maison, tu apportais toujours une boîte de petits fours ?
- Oh oui, je m'en rappelle. Je me souviens aussi du cérémonial qui allait avec.
Chaque personne choisissait un gâteau, pas un de plus, et faisait passer la boîte à son voisin.
Elles ont ri en évoquant ce souvenir.

4
Une semaine déjà que ces deux femmes se retrouvent sur mon bois, elles m'ont adopté.
Aussi, à force de les écouter, je commence à mieux les connaître.
La dame âgée réside bien dans la maison de retraite en face.
Ce jour, elle a dit à sa fille que tout allait bien mais qu'elle aimerait bien rentrer chez elle.
J'ai ressenti la tristesse et l'embarras de sa fille.
J'ai compris aussi que la dame âgée n'avait pas toute sa tête.
La maison où elle réside est en fait une résidence pour personnes dépendantes et elle doit donc toujours être accompagnée pour sortir.

5
Voilà plusieurs semaines maintenant qu'elles viennent s'asseoir sur moi.
A partir de 15h, je les guette, et quel plaisir lorsque je les vois arriver.
Mais je trouve que la maman est de plus en plus confuse dans ces propos, cela m'embête, je ressens la tristesse et le désarroi de sa fille.
Soit elle lui pose trente-six fois la même question.
Soit elle la prend pour sa sœur, ou sa belle-soeur.
Mais la fille lui répond toujours avec une infinie patience.
Je ne suis qu'un banc, mais cela ne m'empêche pas de ressentir les émotions des personnes venant s'asseoir sur moi.

6
Aujourd'hui, je ne les ai pas vues, elles ne sont pas venues.
Je croyais être leur banc préféré, auraient-elles changé d'avis ?
Je suis triste, je m'étais attachée à elles, je suis un sentimental, moi.
A moins que la maman n'ait été souffrante... ou bien que quelque chose de grave ne soit arrivé...
Bien sûr d'autres personnes sont venues s'installer sur moi, mais c'était bien souvent des gamins bruyants et peu respectueux.
Je préfère la présence des deux dames, plus calmes, plus agréables à porter.
Je suis inquiet de leur absence...
J'espère que demain elles seront au rendez-vous toutes deux.

7
Trois mois ont passé, le froid s'installe, l'hiver arrive.
Et toujours pas de nouvelles de la mère et de sa fille.
Oh ! Je vois arriver deux dames...
Elles viennent s'asseoir sur moi, tout naturellement.
Je reconnais la première, c'est la fille.
Et en les écoutant parler, je comprends qu'elles sont sœurs.
- Tu te rappelles lorsqu'on venait avec maman se promener dans le parc ?
Vous ne veniez pas sur ce banc, mais celui-ci a toujours été mon préféré.
Je ne sais pas pourquoi, il était comme un ami, un confident et il est maintenant tellement chargé en souvenirs...


Texte inspiré d'une histoire réelle... Ma mère, souffrant d'une démence de type Alzheimer, résidait dans une Mapad. Je venais régulièrement la voir et passer du temps avec elle sur un banc dans le parc des Bruneaux.

16 commentaires:

  1. J'ai adoré ton histoire, charmante, délicate et bien sûr un peu triste. Je pense souvent aux arbres qui ne parlent pas mais qui ressentent tellement de choses !!

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    1. Oui, les arbres sont des êtres attentifs, bienveillants et réconfortants.
      J'adore les bancs en bois.
      Merci Daniel.

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  2. Même si au départ, il y a du vécu qui t'a inspirée, je suis admirative de ta faculté à trouver les mots, suffisamment mais pas trop, pour honorer ce défi.

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    1. Merci Chinou. J'ai aimé cette consigne qui m'a ramenée il y a 18 ans en arrière...

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  3. Ton histoire est émouvante dans ce que tu ne dis pas, mais que je ressens... moi je me souviens d'un banc dans un parc où j'allais avec mes filles, petites, où le soleil brillait et où nous pensions avoir toute la vie pour vivre... nous ne voyions que les belles choses, instant après instant !

    Je pense bien à toi Françoise.

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  4. J'aime beaucoup les bancs, ce sont des objets très inspirants.
    je t'embrasse belle d'âme
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. Oui, c'est vrai. Les bancs sont vraiment propices à la rêverie également.
      Je t'embrasse aussi, Célestine.

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  5. ah les bancs pourraient en raconter, des histoires... ils en voient passer des drames, des amours, des souffrances, des fins et des commencements... celui-ci t'a permis de raconter une belle histoire, ton histoire... parfois je me dis que tout le vivant est sensible - arbres, fleurs, oiseaux, animaux, et même : banc, puisque le bois dont il est issu a grandi dans la nature - tout le vivant participe, perçoit ce que nous vivons. Les séparations ne sont peut-être qu'illusoires. Les meubles, les maisons aussi portent les empreintes de ce qui a été vécu en leur présence. J'aurais une question de gourmande : les petits fours, comment étaient les petits fours ? qui les préparait ? ou bien, est-ce que la maman les achetait ? quel goût avaient donc les petits fours ?

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    1. Les séparations ne le sont pas complètement puisque nous portons en nous une partie de la personne qui n'est plus là, nous sommes imprégnées de sa présence et des moments passés avec elle. Je pense notamment à ma belle-soeur et tout ce qu'elle m'a appris et apporté. Elle sera toujours là près de moi, elle aussi.

      Les petits fours ? Alors je te raconte, Dad. Avant de me marier et de venir m'installer en Haute-Loire, je vivais à Ecully, dans le Rhône. A Ecully, il y avait une pâtisserie renommée, les petits fours y étaient délicieux. Ma mère, connaissant ma gourmandise et spécialement pour ces petits fours, n'oubliait jamais d'en apporter lorsqu'elle venait passer quelques jours chez nous.
      D'ailleurs, dernièrement, mon fils et ma belle-fille, connaissant le rituel des petits fours, ont eu la bonne idée d'en apporter d'une bonne pâtisserie de Lyon (c'est là qu'ils vivent). Et nous nous sommes remémorés ce rituel avec une agréable émotion. :-)
      Belle fin de journée, Dad. Merci.

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  6. J'avoue qu'au début je n'aurai pas su par où commencer.
    Françoise, l'écrivaine qui n'écrit pas en vain (la phrase n'est pas de moi)
    Merci pour ce moment très émouvants !!!

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Merci pour vos petits mots que j'apprécie infiniment.

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